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24 Immobilier - La neuro-architecture, une aide à l’inclusion

Repenser espaces de travail, salles d’attente ou salles de classe afin que tous s’y sentent mieux, c’est le rôle d’une nouvelle discipline à cheval entre architecture et neurosciences.


La neuro-architecture cherche à comprendre comment l’environnement construit affecte nos émotions, nos comportements et nos pensées. - Renata Koglin


Il est un terme, neuro-architecture, qui lentement se fait une place dans le domaine public et auprès des professionnels. Peu connue en Suisse, la discipline mêle architecture et neurosciences.


On la doit à un biologiste et chercheur étasunien, Jonas Salk, qui ne parvenait plus à travailler et se rend à Assises (Italie). À son retour, il invente le premier vaccin contre la poliomyélite. Convaincu que c’est la conception de la ville, favorable à la réflexion et au jaillissement d’idées, qui lui a permis cela, il fonde, avec l’architecte Louis Khan, l’Institut Salk, dédié à la neuro-architecture.


Le but est d’identifier ce qui, dans l’environnement construit, affecte positivement notre cerveau, donc nos émotions, nos comportements et nos pensées.

L’accueil du concept par les professionnels est alors plutôt réservé. En 1998, avec la découverte par le neuroscientifique et généticien étasunien Fred Cage, que le cerveau continue de produire des neurones à l’âge adulte en fonction de certains stimuli environnementaux, il renaît. Dans les pays anglo-saxons, il fait son apparition dans le vocabulaire du design.


Couleurs, éclairage, accoustique


Choix des couleurs, importance de l’éclairage (naturel ou non), connexion avec la nature, interactions entre les individus dans les espaces publics et privés ou acoustique sont certains des éléments sur lesquels la neuro-architecture s’appuie.

Renata Koglin les a faits siens en tant qu’architecte intérieure. «Des éléments tels que l’éclairage ou la couleur d’un espace déterminent les sensations que nous éprouvons lorsque nous faisons l’expérience du design. La neuro-architecture tente de comprendre comment l’environnement architectural influence nos processus mentaux et, par conséquent, notre comportement, afin d’appliquer ces découvertes à la conception et à la construction d’espaces qui améliorent notre bien-être», explique-t-elle.


Le défi consiste à comprendre pourquoi certains lieux encouragent ou entravent certaines humeurs, puis à les concevoir de manière à atteindre un objectif spécifique: un bureau moins stressant, un hôpital facilitant le rétablissement ou une école favorisant l’apprentissage», ajoute-t-elle.


Qu’en pensent les autres professionnels du métier? «J’y retrouve certaines des théories anthropologiques et psychosociales que j’ai beaucoup lues et appréciées», explique l’architecte-urbaniste EPFL-FSU Laurent Guidetti, de Tribu Architecture. S’il reconnaît qu’une approche sensible et psychosociale de l’espace est nécessaire, il juge qu’un label n’est pas nécessaire pour cela. «Sur l’inclusivité, on a (plus que de normes ou de règles) besoin de penser différemment le rapport aux autres», considère-t-il.


Besoins et sensations


Nous avons tous des besoins, ressentis et sensations différentes, estime Morgane Züger, architecte d’intérieur HES. Les prendre en compte lors de la création d’un projet est la base de l’architecture et de l’aménagement intérieur. Mais si, par exemple, nos clients ont des besoins spécifiques qui dépassent nos compétences, nous travaillons alors conjointement avec d’autres disciplines. Les ergothérapeutes sont ainsi d’une grande aide pour anticiper les besoins d’usagers avec un handicap physique. Je conçois donc volontiers qu’un ou une spécialiste en neuro-architecture saura l’être pour des usagers neuro-atypiques.


Je me considère comme un miroir qui doit refléter la personnalité, les émotions et l’histoire du client, souligne l’architecte d’intérieur Jorge Cañete, du studio Interior Design Philosophy. Ma philosophie prône que pour obtenir du bien-être chez soi, il faut que la maison soit en harmonie avec celui qui y habite. Il ne doit pas y avoir de décalage. Les couleurs, les matériaux, les formes doivent être une émanation émotionnelle, un miroir de cet état. Nous travaillons beaucoup avec l’IA dans la phase créative pour définir des territoires ultra-personnalisés se rapprochant le plus possible de leur jardin secret.


Renata Koglin insiste: «La neuro-architecture va plus loin que les simples notions de goûts, de couleurs et de sentiments personnels. Elle s’appuie sur des données scientifiques. Il s’agit, par exemple, d’optimiser la lumière naturelle, la ventilation et le confort thermique, de choisir des matériaux aux textures et finitions agréables, et d’intégrer des espaces adaptables qui répondent à divers besoins et activités. L’incorporation de systèmes de construction intelligents et d’éléments biophiliques (intégration de la nature dans un espace construit) améliore encore les expériences sensorielles des occupants et favorise les liens avec la nature, ce qui façonne des environnements propices à la santé humaine, au bonheur et à la productivité.


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